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INFLUENCES

 

"…. J’ai découvert la guitare avec le son qui était en vogue, en France, en 1970 : principalement Les Guitares "Ramirez et Fleta".

Ces instruments demandaient un jeu appuyé, solide et avaient un grand volume sonore.

La "Fleta" est un instrument connu pour avoir un son très caractéristique, rond et chaleureux, d'une grande beauté.

C'est un instrument de légende, mondialement reconnu, en l'écoutant, j'ai pris mes premières leçons sur les caractères qui peuvent anoblir une guitare.

 

 

Pourtant, à la base, j'ai plus appris en écoutant le jeu particulier des uns et des autres, qu'en suivant un procédé technique de fabrication reconnu.

Mon oreille a été formée par l'ensemble sonore que représente

le Guitariste "AVEC" son instrument.

 

Alberto Ponce , par exemple, est, pour toute une génération, indissociable de sa guitare. Son jeu et son enseignement de la sonorité sont fusionnés avec le son de sa "Fleta".

J'ai souvent visité sa classe pour lui présenter mes instruments, pour les écouter en parallèle avec la "Fleta", j'y ai beaucoup appris, j'ai assisté à ses stages d'été et quelques uns de ses élèves (dont Jean-Bruno Dautaner) m'ont ensuite commandé une guitare.

 

 

Ma première remise en question

Un jour que j'exposais en Belgique, j'ai vu pour la première fois une guitare de "Romanillos". J'ai pu l'écouter sur mon Stand et la comparer à celle que j'exposais.

J'ai trouvé le son très joli mais il m'a semblé un peu "petit"… bien loin en tous cas de la "puissance" et de la densité sonore que je cherchais alors à obtenir sous influence de "Fleta".

Toutefois, le soir même, en Concert, je constatais que cette même Guitare laissait entendre sa finesse jusqu'au fond de la salle !

J'ai alors compris qu'il existait "autre chose"… beaucoup d'autres choses en fait et qu'en étant à l'écoute des guitaristes, je pouvais me nourrir de "l'esprit" qu'ils insufflaient à leur musique pour comprendre et progresser dans la sonorité que je cherchais à donner à mes instruments.

C'est à cette époque que j’ai rencontré " Arnaud Dumond" puis "Roland Dyens". Plus qu'interprètes, ce sont des créateurs, des explorateurs. Ils ont importé de la légèreté et même de l’exotisme, au meilleur sens du terme dans leur musique.

Ils ont communiqué un souffle régénérant à toute la guitare… j'en ai bénéficié… et mon travail de lutherie en a été influencé… j'ai toujours une pensée pour eux lorsque je fabrique un nouvel instrument.

Sensible à la musique Sud-Américaine, à ses interprètes, j'en ai approfondi l'écoute.

La qualité de la "pulsation" qu'ils savent exprimer dans leur musique donne à leur interprétation une vie particulièrement proche de l'humain. J'ai rencontré Léo Brouwer, Alvaro Pieri, Juan Falù, Ricardo Moyano, Raùl Maldonado, Abel Carlevaro et bien d'autres que je ne peux tous nommer car la liste serait trop longue. J'ai assisté lors de Stages, à leurs Master Class… cela a été pour moi une grande richesse d'enseignements ; j'y ai appris comment on "fait" (ou rate !) un son, et la multiplicité des possibilités sonores que possède "Notre" petit instrument.

Parmi les Luthiers actuels, à mon sens, D. Friederich m’a longtemps impressionné.

C'est un inventeur de sonorité et les concertistes ont été très nombreux à s’y être convertis, de tout pays et toutes « religion » sonore ;

"Roberto Aussel" est, pour moi, le concertiste qui donne à cet instrument la plus incroyable densité sonore, alliée à une grande subtilité du jeu.

J'ai profondément été conquis par cette sonorité et c'est une nouvelle influence qui m'a été profitable. D'autant plus que j'ai pu entendre des guitares de D. Friederich jouées par de nombreux concertistes musicalement très différents les uns des autres.

Je pense entre autres surtout à Tania Chagnot, Alvaro Pierri, Gérard Verba, Raùl Maldonado…

 

 

C'est par la Musique, par les personnes qui la font, qui la composent, qui l'interprètent et qui l'enseignent tous différemment, que j'ai le mieux compris ce que peut être le "SON".

Grâce à eux, j'ai pu commencer à déterminer, puis choisir, ce que je veux "mettre" dans mes propres Guitares, ce que je désire y réunir!


Toutes ces rencontres, je les ai concrétisées lors des Expositions à Musicora, où, pendant 15 Ans, j’ai pu avoir la chance de faire jouer mes guitares par ces artistes exceptionnels…

Cette expérience des plus enrichissantes, a aussi été des plus exigeantes, elle m'a toujours poussé vers le "haut".  

 

 

À ce stade, mes guitares de concert ont mûri, j’ai obtenu un son bien construit.

"Éric Franceries " y a été sensible . Ce guitariste possède une grande autonomie sonore, il réalise une synthèse de sonorités très riches. Depuis une base solide et dense, il sait s’envoler avec grâce et légèreté, sans faute de goût… un fin gourmet qui, de plus, est impressionnant d’aisance dans sa virtuosité...

Éric a confirmé mes acquis sonores de l'époque, leur a donné une base bien assise.

La Guitare que j'ai réalisée pour lui est un exemple d'efficacité qui a concrétisé ce que j'avais pu apprendre de toutes les influences que j'avais su capter.

Cet instrument a commencé à voyager et "Alexandre Lagoya" ayant appris qu'Éric avait cette guitare, m'a téléphoné un jour pour me demander d'en essayer une.

Il l'a appréciée et il désirait essayer celle, déjà "faite" d'Éric,… "son meilleur élève"… me dit-il ! La vie ne lui en laissa pas le temps.

 

 

Parallèlement, je découvrais "une autre planète"  :

Celle des guitaristes et luthiers Anglais, Italiens, de l'Europe de l'est… et le monde m'en a paru bien plus vaste encore.

 

"Pavel Steidl"… d’origine tchèque… que je n’ai rencontré que trois fois, a été pour moi une révélation, celle d’une musique faite de fluidité, dont la force et l’impact ne provient plus d’une densité appuyée mécaniquement sur la guitare, mais de la présence très subtile, d’un "Esprit" déterminé, dont la dynamique est toujours prête à jaillir depuis la plus fine décontraction.
Etonnamment, c'est par  l'Aïkido que j'ai pu comprendre au mieux le travail de Pavel... car j'ai pu ressentir dans mes propres mouvements ce qu'il explique dans son approche du son.  La manière décontractée et précise avec laquelle il travaille AVEC la corde est effectivement issue de l'approche des Arts Martiaux... il l'explique ainsi à ses élèves.
Depuis, je cherche à obtenir des guitares plus sensibles, excessivement « dirigeables », permettant une expressivité tout azimuts, tout en étant parfaitement homogènes, et centrées...

 

Toutes ces rencontres ont été pour moi autant de possibilités de renouvellement.

Le fait d'avoir côtoyé les styles de sonorité les plus divers tout au long de ma carrière et apprécié chacun, m'ouvre actuellement une nouvelle direction :

 

Je possède des ingrédients que je connais bien maintenant, à moi de tenter d'en faire une synthèse nouvelle la plus riche possible, sans perdre l'essentiel qui est à mon sens :
l' homogénéité.  

 

Tout au long de ces 30 années, j'ai ainsi reçu les influences les plus diverses des concertistes qui ont su fabriquer leur propre interprétation du Son et s'en faire les troubadours. Grâce à ces rencontres j'ai pu faire un choix de direction de travail et m'approcher d'un IDÉAL

 

Mais ce qu'on attend d'un Luthier, c'est une réalisation.

 

Sur un plan pratique, les Guitaristes qui ont "adopté" une de mes guitares,

qu'ils soient professionnels ou amateurs, m'ont appris quelque chose d'essentiel.

Ils me permettent de confirmer mes quelques trouvailles sonores en les soumettant à

"l'épreuve du temps" car un instrument peut "impressionner" puis se révéler "lassant" ou bien au contraire évoluer en se révélant de plus en plus.

Je les vois souvent, je les écoute.

Leur disponibilité, leur sensibilité de jeu, le fait de connaître mes guitares au quotidien et d'échanger nos écoutes et perceptions m’ont permis de parfaire mon travail bien plus en profondeur.

 

Je teste avec précision mes évolutions avec eux, j'en confirme ou infirme quelques idées.

Yannick PIGNOL joue sur une guitare DONADEY
Yannick PIGNOL

La relation que créent ces échanges, ce travail d'approfondissement, dans une idée musicale que l'on essaye de redéfinir toujours plus précisément est pour moi une des meilleure manière de parfaire mon travail.